Telle une constellation, j’illumine vos rêves et, à l’approche de la nuit, je circule et je synchronise votre sommeil. Je coordonne votre organisme dans sa transition entre le jour et la nuit ; c’est ce qu’on appelle le rythme circadien. Je m’adapte aussi à la saisonnalité.
Hormone de l’obscurité
Parfois, vous me malmenez en ne respectant pas les signaux qui me permettent de réguler au mieux votre horloge interne. Car, au-delà du contrôle de vos nuits paisibles, je suis capable de surveiller votre température, votre pression sanguine, votre immunité, votre mémoire, la sécrétion de certaines hormones, vos rythmes métaboliques… vos comportements alimentaires… Je suis au centre de ce tempo, j’ai besoin en premier que vous respectiez cette alternance entre la luminosité et l’obscurité, mais votre activité physique et une bonne alimentation me font plaisir également !
Les bons nutriments que vous m’apportez permettent ma synthèse, et je peux ainsi augmenter considérablement mon taux sanguin vers 21 h, pour atteindre un pic entre 3 et 4 h du matin. Si ma concentration baisse et/ou mon pic s’affaiblit, vous aurez du mal à trouver votre nuit, elle sera plus fragile avec souvent un réveil répétitif au cœur de celle-ci. Puis, dès l’aube, je m’éclipse tranquillement pour vous laisser vivre pleinement votre journée, et j’irai me reposer à mon tour quand le jour pointera le bout de son nez. Je laisse la place à mes amis cortisol et catécholamines !
Je vous aide de mon mieux, mais trop de sources lumineuses dans la soirée, trop d’écrans avant de vous endormir, une activité trop intensive et tardive ou un repas trop copieux me perturbent profondément. C’est la raison pour laquelle, lorsque vous voyagez entre les fuseaux horaires, lorsque par obligation vous travaillez de nuit ou que vos horaires sont irréguliers, je peine à m’organiser pour votre bien-être.
À noter que ma sécrétion par la glande pinéale (« en forme de pin ») est orchestrée par l’hypothalamus et plus précisément un petit groupe de neurones appelés « les noyaux suprachiasmatiques » (qui veut dire « au-dessus du croisement des nerfs optiques »). Cette proximité avec les nerfs optiques explique ma sensibilité à la lumière, la sensibilité de mon habitat pinéal. Chez mes ancêtres vertébrés, on parlait d’un « troisième œil » en parlant de cette glande qui me fabrique.
Dès que la nuit tombe, je suis envoyé à travers la circulation sanguine pour sensibiliser tous les tissus que je contrôle. Ainsi, je prépare votre sommeil, de l’endormissement au sommeil le plus profond ; conjointement, je baisse votre température et votre pression sanguine. Je dis à votre système immunitaire que, maintenant que tout le monde est au repos, il va pouvoir s’occuper de réparer les tissus agressés, lésés par le temps ou le contexte environnemental.
N’oubliez pas que moi aussi j’ai besoin de me reposer. Mais moi, c’est le jour, alors profitez bien de la lumière surtout en première partie de journée pour, d’une part, bien synthétiser votre vitamine D, et d’autre part arrêter ma sécrétion nocturne, sous peine de perturber votre éveil et votre dynamique matinale.
Par ailleurs
Moi, « l’hormone de l’obscurité », je suis par ailleurs considérée comme un bon antioxydant. Il est vrai que ma capacité à me fixer à de très nombreux tissus me permet de contrôler de nombreuses fonctions biologiques, comme la réparation cérébrale, l’immunité, la vigilance hormonale… Mais, comme beaucoup d’hormones, ma sécrétion est sensible à l’âge, d’où mes difficultés à vous faire dormir à un âge plus mûr et à remplir toutes ces fonctions protectrices.
Cette action au sein de quasiment toutes les cellules est encore plus marquée au niveau gastro-intestinal, car ici aussi on sait me sécréter. Et à des concentrations beaucoup plus élevées que dans cette petite pomme de pin cérébrale que nous évoquions avant. Encore une fois, me voilà au niveau intestinal et cérébral ; de quoi renforcer l’idée d’un « deuxième cerveau » au niveau de nos intestins.
Ma synthèse pinéale débute à partir d’un petit maillon de protéines qu’on appelle le tryptophane. Ce tryptophane commence sa transformation grâce à votre microbiote intestinal, peut poursuivre son chemin en direction du foie ou rejoindre le cerveau pour terminer son périple en étant métabolisé en sérotonine, puis en « moi » !
Au fait, excusez-moi, je ne me suis pas présentée, mais vous me connaissez certainement sous le nom de « mélatonine ». Je n’ai été découvert qu’en 1958 par un dermatologue. Je proviens donc du tryptophane, mais, pour arriver jusqu’à votre glande pinéale, ma route est longue et semée d’embûches. Par exemple, vos repas trop riches en protéines ne m’aident pas à me faire transporter idéalement vers le cerveau pour terminer ma synthèse.
Je sais que, dans un très grand nombre de situations, les médicaments sont indispensables, mais force est de constater que certains peuvent nuire à ma sécrétion naturelle, comme les corticoïdes, certains anti-inflammatoires ou antidépresseurs pris au long cours, et surtout les hypnotiques, qui, s’ils offrent de bonnes perspectives à court terme, peuvent nuire à ma santé lorsqu’ils sont pris également sur de longues périodes. Dans ce contexte médical et pharmacologue, je ferai certainement appel à mes amis pharmaciens pour soutenir ma concentration en cas de déséquilibre du sommeil, de troubles dépressifs, de fatigue immunitaire… de travail décalé, de sédentarité… et/ou d’âge « avancé » !
Dans des cas très précis, la prescription de mélatonine sous forme de médicament sera accessible via votre médecin traitant ou votre spécialiste, mais en officine, une multitude de compléments alimentaires plus ou moins associés à de la phytothérapie peuvent améliorer un sommeil fragilisé par le temps, l’environnement psychosocial ou familial. Si vous sentez que je faiblis, aidez-moi un peu pour qu’ensemble nous retrouvions notre homéostasie, notre équilibre légendaire !
Pascal Guerit
Docteur en Pharmacie
DU diététique et Nutrition
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