PAR ÉVELYNE GOGIEN
L’hypothyroïdie, qui touche surtout les femmes après la ménopause, provoque des symptômes gênants mais aussi, à terme, des complications cardiaques. Explications sur ses causes et son traitement.
Grosse fatigue avec envie irrépressible de dormir dans la journée, difficultés de concentration et pertes de mémoire, frilosité, constipation, prise de poids malgré une perte d’appétit, rythme cardiaque ralenti, règles irrégulières… Et si c’était une hypothyroïdie ? Possible mais difficile à dire a priori car ces symptômes pourraient aussi bien être dus à d’autres pathologies. Certains signes peuvent aussi y faire penser : cheveux secs et cassants, poils plus rares (aisselles, pubis, sourcils), peau sèche et pâle et, parfois, paupières tombantes, yeux et visage boursouflés surtout au réveil, voix rauque, ronflements, dos des mains et des pieds enflés, douleurs et fourmillements au niveau des mains, crampes, douleurs musculaires, raideurs articulaires.
Une glande essentielle
La thyroïde est une glande en forme de papillon, logée en dessous de la pomme d’Adam et invisible quand sa taille est normale. Elle est active dès la naissance, sauf en cas d’hypothyroïdie congénitale, dépistée systématiquement chez le nouveau-né à partir d’une goutte de sang prélevée au talon (test de Guthrie) et traitée. À la puberté, la thyroïde intervient dans la transformation corporelle puis reste essentielle tout au long de la vie. À partir de l’iode apporté par l’alimentation (sel marin, poissons, coquillages et crustacés), elle fabrique deux hormones, la triiodothyronine (T3) et la thyroxine (T4), indispensables au bon fonctionnement de tous les organes (cerveau, cœur, peau, etc.). La libération de ces hormones est régulée, c’est-à-dire stimulée ou freinée selon les besoins, par l’hypophyse, une autre glande située à la base du cerveau. Lorsque la thyroïde se dérègle ou fonctionne mal, elle libère trop ou pas assez d’hormones thyroïdiennes. Dans les deux cas, les répercussions peuvent être sérieuses. Quand elle tourne au ralenti, on parle d’« hypothyroïdie », qui touche principalement les femmes.
Une maladie de Hashimoto ?
De nos jours, la cause la plus fréquente d’hypothyroïdie n’est plus une carence chronique en iode dans l’alimentation (observée autrefois dans les régions montagneuses), mais la maladie de Hashimoto, du nom du médecin japonais qui l’a décrite en 1912. Cette affection auto-immune, qui touche en particulier les femmes entre 30 et 50 ans, provoque une inflammation chronique de la thyroïde. En clair, l’organisme produit des anticorps qui agressent la glande, comme s’il s’agissait d’un élément étranger, et la détruisent peu à peu. Autres causes possibles : le traitement de l’hyperthyroïdie ou d’un cancer thyroïdien qui interfère avec la capacité du corps à fabriquer des hormones thyroïdiennes, ou bien l’ablation de la thyroïde ; des rayonnements émis au niveau de la tête et du cou (généralement la radiothérapie pour traiter un cancer) ; certains médicaments, en particulier le lithium utilisé en psychiatrie.
Doser la TSH
Les symptômes de l’hypothyroïdie n’étant pas spécifiques, le diagnostic passe par une prise de sang pour mesurer la TSH, l’hormone de l’hypophyse qui stimule la thyroïde et entraîne la sécrétion des hormones thyroïdiennes. Ce dosage est indispensable pour ne pas passer à côté de la maladie ou traiter à tort. Un taux de TSH anormalement élevé indique que la thyroïde n’est pas assez active et que l’hypophyse compense en produisant une quantité excessive d’hormones pour la stimuler. La TSH peut aussi être peu élevée. Si l’élévation est modérée (entre 4 et 10 mUI/l alors que la norme varie entre 0,4 et 4 mUI/l), un second dosage deux ou trois mois plus tard est nécessaire pour vérification car, dans 30 % des cas, le taux se normalise. Si ce n’est pas le cas, le médecin prescrit une mesure du taux de T4 L (thyroxine libre). Si celle-ci est normale, que l’élévation de la TSH reste modeste et qu’il n’y a pas de symptômes, il s’agit alors d’une hypothyroïdie dite « fruste », soit atténuée, légère. Dans ce cas de figure, la Haute Autorité de santé préconise de ne pas traiter systématiquement. Les hormones de substitution (lévothyroxine) sont encore trop souvent prescrites pour ces états limite. Le médecin doit décider au cas par cas, notamment en fonction de l’âge. En effet, de récentes études montrent qu’après 65-70 ans, le traitement de ces hypothyroïdies frustes n’apporte pas de bénéfices. En revanche, chez les jeunes, bien que les répercussions soient difficiles à évaluer, la lévothyroxine peut être prescrite pour réduire le risque de troubles cardiovasculaires. Une échographie thyroïdienne est inutile sauf en cas de nodule ou de ganglion détecté à la palpation.
Traiter pour éviter les complications
Quand le taux de TSH est vraiment élevé et celui de T4 L anormalement bas, l’hypothyroïdie est avérée et un traitement est alors nécessaire car à terme, elle entraîne des complications telles que angine de poitrine, insuffisance cardiaque ou encore troubles du rythme cardiaque. On ne peut guérir une hypothyroïdie mais on peut compenser le manque d’hormones thyroïdiennes avec de la lévothyroxine de synthèse (T4) en comprimés, à petites doses au départ. Une fois le dosage efficace trouvé, le traitement est poursuivi à vie, moyennant un contrôle régulier. Ce traitement substitutif permet à la fois de faire disparaître les symptômes et prévenir les complications cardiaques. Dans certaines circonstances – à la puberté, pendant une grossesse, après une maladie grave, etc. –, la thyroïde peut être chahutée et la TSH augmenter anormalement. Mais ces hypothyroïdies étant heureusement transitoires dans la grande majorité des cas, il n’y a pas d’urgence à les traiter. ●
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